Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : G:\Ebooks\Fabrication\00TeamAlexandriz\McNEILL,Graham-L'Hérésie d'Horus, Tome 8 Mechanicum Le savoir c'est le pouvoir (2009)\05 McNEILL,Graham-L'Hérésie d'Horus, Tome 8 Mechanicum Le savoir c'est le pouvoir (2009)pour epub_fichiers\image017.jpg

2.03

 

Mondus Occulum, joyau des forges du nord, la plus renommée et la plus industrieuse des fabriques d'armes, plus monumentale encore que les chaînes d'assemblage d'Olympica Fossae. Seules les usines de Lukas Chrom, à Mondus Gamma, pouvaient se comparer à la puissante forge du fabricator supplétif, mais elles ne parvenaient pas à égaler son rythme de production.

Elle couvrait des centaines de milliers de kilomètres carrés entre les dômes arrondis de Tharsis Tholus et Ceraunius Tholus. Le complexe de forge de Kane ressemblait à un magnifique et monstrueux sous-continent hérissé de fonderies-ruches, d'ateliers d'armement, de fabriques de munitions, de raffineries, de silos à minerai, de hangars de montage et de tours industrielles.

Un grand nombre de sous-ruches, parmi lesquelles Uranius, Rhabon et Labeatis, les plus importantes, dominaient les zones de production et les gigantesques blocs d'habs, et leurs bas-fonds abritaient les millions d'adeptes, d'employés subalternes, d'ouvriers et de portefaix nécessaires à assurer la bonne marche des machines de la forge du nord.

Comme toutes les forges de Mars, ou presque, les manufactoria aux remparts de métal de Mondus Occulum étaient toujours prêtes à soutenir une guerre. La conquête de la galaxie exigeait des profusions d'armes et de munitions telles que les précédents âges de l'humanité n'en avaient jamais connu, et la symphonie des masses à battre le fer et des machines à emboutir les douilles de cuivre ne cessait jamais.

Dans la caldera affaissée d'Uranius Patera, de gigantesques ascenseurs Tsiolkovsky montaient vers le ciel, acheminant des milliers de containers de matériel en direction des énormes cargos spatiaux aux soutes hypertrophiées qui attendaient en orbite géosynchrone, prêts à prendre l'espace en direction des zones de guerres qui s'étendaient aux quatre coins de l'Imperium. Ces tours ressemblaient à des arbres étêtés, d'un diamètre à peine imaginable, pourtant elles montaient à une telle altitude qu'elles en prenaient un aspect presque gracile, disparaissant dans la couverture de nuages toxiques, striés de fumées, qui surplombaient la forge comme un couvercle pesant.

Tout comme Mondus Gamma, située plus au sud, Mondus Occulum consacrait toute son activité à la fabrication de matériel de guerre, mais les productions de ces deux forges étaient destinées à une race de guerriers très particulière : ceux de l'Astartes.

C'était dans ces forges qu'étaient manufacturées les armes à feu et les lames maniées par les plus terrifiants de tous les guerriers menés par l'Empereur dans l'accomplissement de son rêve grandiose. Ces armes étaient fabriquées par les adeptes les plus habiles et garanties par le fabricator supplétif contre toutes les défaillances. Les armures des Astartes étaient façonnées avec le plus grand soin, par les meilleurs des maîtres forgerons, ceux qui disposaient d'augmentiques leur permettant de bénéficier des plus hautes spécifications en termes de dextérité manuelle et de tolérance.

C'était ici qu'étaient produits les bolters de toutes les espèces, les canons laser, les lance-missiles et toutes les armes qui faisaient partie de l'arsenal des Astartes. Le berceau de la puissance martiale des légions se trouvait ici, dans les vastes ateliers surchauffés et illuminés d'une incandescence rougeâtre de Mondus Occulum. Des véhicules blindés sortaient en grondant de ses chaînes d'assemblage qui s'étiraient sous de vastes hangars au toit voûté, et des zones entières, aussi étendues que des cités, étaient entièrement consacrées à la production d'une quantité phénoménale de munitions pour les bolters.

En outre, Mondus Occulum ne se contentait pas d'armer en guerre les guerriers de l'Astartes ; il s'agissait également d'un lieu où l'on affinait les esprits. Les membres de l'Astartes qui avaient une affinité avec les mystères de la technologie étaient autorisés à étudier les voies de la machine sous la férule de ses maîtres adeptes. C'était le fabricator supplétif Kane en personne qui avait formé les meilleurs de tous : T'Kell, des Salamanders, Gebren, des Iron Hands et Polonin, des Ultramarines. Une fois formés, ces guerriers retournaient à leur légion, riches de ce qu'ils avaient appris, pour y instruire des néophytes.

Mondus Occulum, bien-aimée de Mars, joyaux des forges du nord. La plus renommée et la plus industrieuse de toutes fabriques d'armes. Domaine du fabricator supplétif de Mars, un homme qui ne le cédait en importance qu'au maître de Mars en personne. Et, fort heureusement, c'était l'une des rares forges à avoir échappé à la dévastation totale.

 

Flanqué d'une suite caquetante de serviteurs noosphériquement modifiés aux visages dissimulés derrière des masques dorés et totalement lisses, de calculus-logi à l'air soucieux et d'un certain nombre de décanteurs de codes dont l'inquiétude était clairement perceptible aux brèves émissions de logus binaire très sèches qu'ils échangeaient, le fabricator supplétif Kane essayait de conserver sa sérénité en se plongeant dans une profonde méditation sur le sort du monde. Il passa sous l'arche dorée qui menait à l'armorium.

Dans le monde environnant se déroulaient des événements aussi dramatiques que terrifiants, mais pour le moment, en cet instant précis, il devait se concentrer sur sa forge et faire le nécessaire pour que la production continue aussi normalement que possible au milieu de cette dévastation.

L'immense chambre qui s'ouvrait au-delà de la porte voûtée était brillamment éclairée. Le plafond s'élevait très haut au-dessus de sa tête, et elle était si longue que son extrémité se perdait dans le lointain. Aux commandes d'élévateurs grinçants, des serviteurs de chargement transportaient des râteliers chargés d'armures destinées à l'Astartes et les empilaient dans des containers de métal alignés contre les parois et dans la longueur de la salle, en interminables rangées.

Des centaines d'adeptes allaient et venaient entre ces rangées, affairés à contrôler la qualité du matériel ; ils se connectaient aux containers et comparaient les indications transmises par chaque armure aux spécifications intrachargées dans leurs instruments de mesure. En matière de qualité, les exigences de Kane étaient exceptionnellement élevées, et il était rarissime que les productions de Mondus Occulum ne soient pas à la hauteur. Lorsque cela se produisait, une enquête approfondie permettait de déterminer les causes du défaut de fabrication afin d'éviter que celui-ci ne se propage, et les individus dont la négligence était en cause étaient sévèrement punis.

Ce n'était que lorsque toutes les armures avaient été vérifiées, certifiées et déclarées conformes aux exigences que le chargement était acheminé vers Uranius Patera où se trouvaient les ascenseurs orbitaux. La garantie d'un fonctionnement parfait était une promesse que le fabricator supplétif Kane prenait terriblement au sérieux, même à présent.

Particulièrement à présent.

Il prit une profonde inspiration et échantillonna les différents effluves chimiques présents dans l'air qu'il respirait avant de se tourner vers son magos-apprenta.

— Vous sentez cela, Lachine ?

—Tout à fait, mon seigneur, répondit le garçon en utilisant sa voix organique pour imiter son maître. Il avait une voix nasillarde, déplaisante ; plus vite il serait équipé d'un vocalisateur augmentique, mieux ce serait, pensa Kane. Oxyde d'aluminium calciné, une poudre de finition dont l'usage permet de réduire d'au moins vingt pour cent la durée de polissage et de finition d'une armure et qui se montre particulièrement efficace sur les matériaux les plus durs, tels que les silicones et l'acier trempé. Également, traces de cire microcristalline et d'acide acétique dilué.

— Non, Lachine. Je veux dire, ce que cette odeur représente.

— Représente ? Requête : je ne comprends pas l'implication de votre proposition utilisant l'odeur comme signifiant.

— Non ? Dans ce cas, vous êtes à côté de la plaque, Lachine. Vous vous arrêtez aux composants chimiques. Moi, de mon côté, je m'intéresse aux composantes émotionnelles. Pour moi, la douce fragrance de la poudre de polissage, de la cire et des huiles représente la stabilité et l'ordre, la certitude que nous avons joué notre rôle afin que les guerriers de l'Empereur soient équipés pour le combat et pourvus des meilleures armes et armures que nous puissions leur fournir.

— Je comprends, mon seigneur, répondit Lachine, mais Kane vit bien que ce n'était pas le cas.

— En des temps comme ceux que nous vivons, poursuivit Kane, voilà ce qui m'apporte le réconfort. Une grande forge dont les machines tournent avec une régularité absolue, dont les ouvriers sont tous animés d'une même impulsion et travaillent à l'unisson, comme les éléments constitutifs d'une puissante machine, voilà l'un des exemples les plus inspirants de force maîtrisée que puisse connaître la galaxie. Dans l'acte de création, j'ai rarement vu le visage d'un adepte qui ne soit pas radieux, et je n'en ai jamais vu aucun qui ne soit pas impressionnant de ferveur.

Kane marqua une pause, laissant passer un serviteur manutentionnaire qui transportait un râtelier d'armures flambant neuves et fraîchement décapées. C'était une brute monstrueuse, tout en muscles et en pistons montés sur un torse surgénodéveloppé, et il transportait son lourd fardeau sans le moindre effort apparent dans ses énormes poings pourvus de griffes hydrauliques. Chaque armure miroitait d'un éclat argenté. Leurs pièces de céramite et de métal étaient encore à nu, en attendant que les légions les peignent à leurs couleurs.

— On dirait des chevaliers issus de l'antiquité de Terra, déclara Kane en se remettant en marche, longeant les alignements de milliers et de milliers d'armures serrées les unes contre les autres qui s'étendaient à perte de vue dans la grande salle. Elles sont synonymes d'honneur, de devoir et de vaillance.

— Mon seigneur ?

D'un geste emphatique de la main, Kane lui indiqua les rangées d'armures.

— Ces armures sont plus précieuses que toutes les richesses de nombreux mondes, Lachine. La plupart du temps, lorsque je me promène par ici, je ressens une immense satisfaction à la pensée que l'Astartes dépend tellement de nous. Très souvent, je me perds dans cet endroit.

Voyant que Lachine s'apprêtait à ouvrir la bouche, il l'arrêta.

— Pas dans le sens littéral, évidemment. Mais devant le nombre des armures qui se trouvent dans cette salle, et bien qu'aucune d'entre elles ne soit occupée par l'un des valeureux compagnons de l'Empereur, je ne peux m'empêcher de ressentir une respectueuse admiration devant la puissance de l'Astartes et d'être réconforté par la pensée que nous sommes protégés par de si glorieux héros.

— Conclusion : vos paroles me conduisent à inférer qu'en ce jour précis, vous ne ressentez pas une satisfaction égale à celle que vous éprouveriez normalement.

— C'est tout à fait exact, Lachine. Malgré toutes mes tentatives pour me plonger dans les tâches requises par la gestion journalière de la forge, mes pensées ne cessent de retourner vers le chaos qui s'est emparé de notre monde bien aimé ces dernières semaines.

À commencer par le jour où des tempêtes aussi violentes qu'anormales avaient éclaté sur le lointain sommet d'Olympus Mons, suivie de la peste dévastatrice qui s'était attaquée aux machines et qui avait semé la désolation aux quatre coins de Mars. Mondus Occulum avait été secouée par une épidémie d'émeutes, de suicides et de meurtres qui avait fait des milliers de victimes et causé, pire encore, d'incalculables dommages aux installations de production.

Des dizaines d'usines et d'armureries avaient été détruites, réduites en cendre ou en tas de gravats irrécupérables à la suite des vagues de panique et de psychose collective qui s'étaient propagées dans les habs et les manufactoria comme une maladie mentale contagieuse.

Les marshals chargés de la sécurité de la forge n'avaient pu venir à bout des émeutiers au paroxysme de la fureur et, malgré le chagrin qu'il avait éprouvé à donner cet ordre, Kane leur avait ordonné de se retirer et de laisser passer les foules ivres de violence.

— Qui aurait pu penser que de tels troubles pouvaient résulter d'un dérèglement météorologique centré sur une région située à trois mille kilomètres d'ici ? dit-il.

— Les études menées par le magos Cantore ont prouvé qu'un abaissement de température en deçà de la zone de confort peut stimuler l'agressivité et la capacité à prendre des risques, tandis que l'apathie prévaut par temps chaud, commenta Lachine. Complément d'information : il a été démontré que la température ambiante affecte l'humeur d'un individu, ce qui affecte son comportement, avec les températures et les pressions barométriques les plus élevées généralement associées à une meilleure humeur, une mémoire plus efficace et une appréhension cognitive élargie. L'humidité, la température et les heures d'exposition à la lumière solaire peuvent avoir les plus grands effets sur l'humeur, bien que Cantore pense que l'humidité soit le déterminant le plus significatif de la régression lors de l'analyse de corrélation canonique. Les implications de son étude pour le contrôle climatique des forges et la performance des ouvriers qui en découle sont examinées en détail dans la conclusion de son rapport. Voulez-vous que je vous en fasse le résumé ?

— Par le saint nom de l'Omnimessie, je vous remercie mais non, merci, répondit hâtivement Kane avant de se diriger à grandes enjambées résolues vers les profondeurs de l'armorium. Lachine et le reste de sa suite s'élancèrent derrière lui, essayant de ne pas se laisser distancer.

Au moment où Lachine, haletant, parvenait enfin à le rattraper, Kane se tourna vers lui.

— Il est assurément absurde de penser qu'un phénomène météorologique, même aussi violent que celui-ci, puisse avoir une influence sur la psyché d'un aussi grand nombre d'individus, pourtant l'évidence est sous nos yeux, difficile à ignorer. En outre, les dégâts ne se sont pas limités aux processus cognitifs de la population de la forge.

C'était cela qui le troublait, plus encore que tout le reste.

Lorsque la tempête s'était déchaînée sur Olympus Mons, les liaisons vox et les grands réseaux de transfert de données de Mars avaient été submergés de paquets de données corrompues et hurlantes qui s'étaient introduits dans les délicats systèmes qui gouvernaient presque tous les aspects du fonctionnement de Mondus Occulum et les avaient littéralement déchiquetés.

Les cogitateurs et les machines logiques situés en périphérie de la forge s'étaient bloqués, saturés de données véreuses, de fantômes glapissants composés de parasites machines dont la source avait été impossible à tracer et de dangereux paquets de codes chargés d'algorithmes infectés que la plupart des protocoles aegis les plus avancés avaient été incapables de repousser.

Sans la réaction rapide de Kane, qui avait immédiatement coupé les accès E/S, et le fait que la majorité de ses systèmes venaient d'être remis à niveau pour pouvoir bénéficier du révolutionnaire système de transfert de données noosphériques inventé par Koriel Zeth, ils n'auraient pu soutenir la violence de l'attaque, car c'était bien de cela qu'il fallait parler.

— De combien de temps les décanteurs vont-ils encore avoir besoin avant d'avoir terminé le nettoyage complet de mon système ? demanda-t-il.

— Selon leurs estimations actuelles, entre six et trente rotations.

— C'est un peu large comme fourchette. Ne peuvent-ils fournir une estimation plus précise ?

— Apparemment, ce code corrompu se montre extrêmement résistant. Chacune des portions de circuits qu'ils avaient déclarées purgées a rapidement développé de nouvelles lignes de codes défaillants suivant une cadence de progression exponentielle. Ils n'osent pas reconnecter les systèmes touchés par les algorithmes pollués car ils craignent de relancer l'infection.

— Ont-ils identifié le point d'origine ?

— Pas avec une certitude absolue. Cependant, l'infection des systèmes semble se propager sur toute la planète à partir de la forge du fabricator général, ce qui tendrait à suggérer qu'elle a été la première à la subir.

— Ou que c'est de là qu'elle est partie, marmonna Kane.

Malgré toutes les tentatives qu'il avait faites pour communiquer avec Kelbor-Hal, chaque transmission s'était heurtée à une cacophonie de codes semblables à des aboiements rauques ou avait été simplement ignorée.

— Requête : pensez-vous que ce code corrompu a été délibérément injecté dans les systèmes martiens ?

Lachine, pourtant si rationnel et prosaïque d'habitude, ne put empêcher sa voix d'exprimer une réponse émotionnelle à l'idée que le funeste code ait pu être intentionnellement lâché sur les réseaux.

Kane se maudit intérieurement d'avoir trop parlé et haussa les épaules.

— Il existe une possibilité, admit-il enfin sur un ton léger.

Il ne désirait pas particulièrement partager ses soupçons avec Lachine. Son apprenta était loyal, mais il était également naïf, et Kane savait pertinemment qu'il existait toutes sortes de moyens de dérober des informations à des sources considérées comme sûres.

Non. Moins Lachine en saurait là-dessus, mieux cela vaudrait.

Selon ce que lui avaient appris les décanteurs de code, le code corrompu avait tenté de neutraliser le réseau vox et les protocoles défensifs qui protégeaient sa forge, puis de détendre les haubans de soutènement des ascenseurs Tsiolkovsky. En une fraction de seconde, Kane avait coupé toute communication entre Mondus Occulum et le reste de Mars. À la suite de cette manœuvre, ils s'étaient retrouvés isolés, à se débattre dans les ténèbres, mais au moins ils n'avaient subi aucune autre attaque.

Les communications hors-monde étaient également devenues quasiment impossibles à cause d'un bruit de fond psychique dont la source avait été, elle aussi, impossible à déceler. Les seules liaisons qu'il avait pu maintenir grâce à la noosphère étaient celles qui le reliaient à la forge d'Ipluvien Maximal et à la cité du magma de Koriel Zeth.

Les nouvelles qu'ils avaient partagées n'étaient ni rassurantes ni particulièrement éclairantes sur la question.

Ses deux collègues avaient enduré des vagues de violence très semblables à celle qu'il avait subie et tout aussi inexplicables, et leurs populations avaient été victimes d'accès de folie collective ; seul Maximal avait été confronté à de graves défaillances machine, et il avait perdu trois de ses précieux réacteurs par suite d'augmentations brutales de leur masse critique. Zeth lui avait parlé d'une expérience ratée qui avait tué la quasi-totalité de ses psykers, ce qui était sans aucun doute lié aux interférences psychiques autour de Mars.

Et comme si la situation n'était pas suffisamment grave comme cela, Maximal leur avait rapporté le contenu de communications fragmentaires provenant de la flotte expéditionnaire, dans lesquelles il était question d'une terrible catastrophe dans le système d'Istvaan.

Les détails étaient nébuleux et, en l'absence d'informations plus complètes, Maximal s'était refusé à spéculer, mais un épouvantable incident s'était apparemment déroulé dans la zone de la troisième planète, et ce monde n'était plus à présent qu'un désert de cendres desséchées.

Kane ne connaissait qu'une seule arme capable de dévaster si rapidement une planète.

Le Maître de Guerre avait-il déchaîné les foudres du Dévoreur de vie ou s'agissait-il du dernier acte désespéré d'un ennemi acculé ? Les sources dont disposait Maximal ne leur avaient fourni aucune indication, mais elles prétendaient que l'Astartes avait subi des pertes effrayantes.

Ils n'avaient pu comprendre s'il s'agissait d'une opération ennemie ou d'un terrible incident au cours duquel les forces impériales auraient tiré sur leurs propres rangs, mais la simple pensée que l'Astartes ait pu subir des pertes de si grande ampleur était presque inimaginable.

C'étaient les systèmes vox de Maximal qui avaient le moins souffert lorsque le déluge de code gangrené s'était abattu sur eux et, en cette heure même, il s'efforçait de reprendre contact avec l'une ou l'autre des organisations extérieures à Mars afin d'obtenir plus d'informations.

Au moyen de liaisons noosphériques sécurisées, les trois adeptes avaient pu conférer et exprimer leur certitude que cette infection des systèmes martiens présentait tous les signes caractéristiques d'une frappe préventive. Cependant, en l'absence de données plus substantielles, ils ne pouvaient rien faire d'autre que renforcer leurs défenses en prévision de nouvelles agressions.

Kane avait entendu le tremblement symptomatique de la peur dans la voix ridiculement sophistiquée de Maximal et en avait ressenti un certain mépris. Maximal n'était pas un individu qui attirait les sympathies. Kane le considérait tout juste comme un archiviste et en aucun cas comme un innovateur. Koriel Zeth, elle, n'avait pas hésité à s'exprimer hardiment et affirmé qu'il fallait résister à toutes les attaques qui pourraient suivre. Elle les avait également informés qu'elle avait dépêché des envoyés aux ordres des Titans et des Chevaliers qui étaient leurs alliés afin de s'assurer leur soutien.

Mars subissait l'attaque d'un ennemi inconnu. C'était le moment ou jamais de battre le rappel des amis et des alliés.

Kane éprouvait du respect pour Zeth. Elle lui rappelait sa jeunesse. Voilà une adepte qui ne craignait pas de repousser les frontières du connu. Aux yeux de Kane, Zeth représentait tout ce qui était bon dans le Mechanicum. Elle montrait un respect approprié pour les choses du passé et pour tout ce que les premiers pionniers avaient développé, mais elle ne dissimulait pas son désir de bâtir sur ce savoir ancien afin d'atteindre de nouveaux sommets.

Un alchimiste et scientifique de l'antiquité de Terra avait un jour dit qu'il était possible de voir plus loin en grimpant sur l'épaule des géants. Cette métaphore s'appliquait parfaitement à l'adepte Zeth. S'il existait une personne capable de faire avancer la cause de la science et de la raison dans l'Imperium, c'était bien elle.

Réconforté par cette pensée, Kane observa les énormes élévateurs montés sur chenilles qui enlevaient les containers scellés et destinés à l'Astartes pour les transporter jusqu'à l'ascenseur orbital d'Uranius Patera.

— Suis-moi, Lachine, dit-il. Même en période de crise, Mondus Occulum ne s'arrête jamais.

 

Des volutes de poussière grise comme de la cendre d'os s'élevaient autour des jambes des deux Chevaliers qui longeaient à grandes enjambées bondissantes les rebords d'Aganippe Fossae, une longue crevasse tracée dans la plaine, à l'ouest de la haute silhouette d'Arsia Mons.

Leopold Cronus marchait en tête avec Pax Mortis, et Raf Maven le suivait aux commandes d'Equitos Bellum, tout juste réparé. Cronus leur imposait un rythme de marche très soutenu, et Maven devait lutter pour le suivre car Equitos Bellum se montrait ombrageux, ses manettes de contrôle étaient raides et le multiface lui résistait opiniâtrement à la moindre sollicitation.

Il sait que la chose qui l’a si gravement blessé est toujours là, quelque part, pensa Maven en infléchissant sa trajectoire pour suivre Cronus le long du profond canyon. Derrière la verrière de son cockpit, des nuages de poussière lui voilaient le panorama, mais il n'y avait pas grand-chose à voir dans cette région ; de toute façon, il pilotait au multiface. Les déserts toxiques du pallidus s'étendaient à l'ouest et au sud, et les sous-ruches septentrionales qui s'élevaient entre cette plaine et la forge d'Ipluvien Maximal étaient à peine visibles. Leur emplacement était juste marqué par une salissure de fumées noirâtres et de peur sur l'horizon du nord.

Les Chevaliers poursuivirent leur chemin le long de la fissure, en direction du pont Médian, une zone de rocs effondrés qui leur permettrait de traverser avant de continuer en direction de l'est, vers la maison de leur chapitre, au cœur d'Arsia Chasmata.

— Comment ça va ? demanda Cronus par le vox.

— C'est dur, admit Maven. Il n'arrête pas de tirer sur les commandes. Je n'y comprends rien. Chaque fois que je compense, il essaie de prendre la direction opposée quelques minutes plus tard.

— Il va lui falloir un peu de temps pour se réadapter, dit Cronus. Il a fallu refaire entièrement son interface de liaison.

— Je sais, mais c'est plus fort que ça.

— Plus fort ? Qu'est-ce que tu entends par là ?

— On dirait qu'il essaie de me guider, répondit Maven, ne sachant comment exprimer sa sensation autrement.

— Te guider ? Où ça ?

— Je ne sais pas, mais c'est comme si... comme si quelque chose essayait de m'attirer, moi aussi.

Maven entendit le soupir de Cronus sur le vox et souhaita avoir une explication plus tangible à offrir à son ami. Hélas, il n'avait rien de plus qu'une intuition et la ferme conviction que sa monture en savait plus que lui sur ce qui devait être fait.

Le déploiement avait commencé trois jours auparavant. Ils avaient quitté le chapitre sous les acclamations, accompagnés par une fanfare de trompettes et de trompes de guerre mugissantes, sous les bannières bleu cobalt qui flottaient au vent. Equitos Bellum s'était avancé d'un pas martial, et ses frères de l'ordre de Taranis étaient venus le voir marcher. C'était toujours un événement lorsqu'une monture reprenait vie après avoir frôlé l'anéantissement d'aussi près, une occasion marquante.

Comme la plupart des ordres guerriers deTharsis, les chevaliers de Taranis étaient en état d'alerte depuis le début des troubles qui avaient balayé la planète. Grâce aux liaisons noosphériques installées par l'adepte Zeth, le quartier général de Taranis n'avait pas autant souffert que les maisons des autres ordres, même si les technaugures avaient dû ordonner l'arrêt d'urgence du réacteur principal après qu'un fragment de code corrompu ait réussi à s'infiltrer dans le système et ait tenté de désactiver les protocoles qui géraient son refroidissement.

Leur rapidité de réaction avait sauvé l'ordre de Taranis d'un holocauste nucléaire, mais les Chevaliers dont les cellules énergétiques n'avaient pas été entièrement rechargées avant cet incident ne pourraient pas le faire avant que les décanteurs de codes n'aient réussi à purger les systèmes infectés.

Et ce n'était pas le pire. Au grand désarroi du seigneur Verticorda, les métiers à données du librarium de l'ordre avaient été contaminés et étaient irréparables. Des archives vieilles d'un millénaire et plus, conservatoire, entre autre, des listes des combattants tombés au champ d'honneur et des rapports de bataille, avaient disparu sans espoir de récupération.

À la demande de l'adepte Zeth, les seigneurs Caturix et Verticorda avaient ordonné aux Chevaliers de quitter leur forteresse afin d'assurer la défense de Mars et de la cité du magma. Selon la rumeur, Zeth avait également dépêché ses émissaires auprès du seigneur Cavalerio, de Tempestus, afin de le prier d'ordonner à ses machines d'en faire autant, mais personne ne savait ce qu'il lui avait répondu.

Avec plusieurs machines à court d'énergie, les chevaliers de Taranis étaient obligés d'opérer par patrouille de deux, au lieu de trois habituellement, afin de pouvoir couvrir leur zone de déploiement. Le vieux Stator était sorti aux côtés de frère Gentran, un écuyer récemment promu après avoir terminé son errance, et Maven avait été surpris de découvrir que la sécheresse austère de son précepteur lui manquait.

Maven et Cronus avaient pris la direction de l'est, suivant un itinéraire de patrouille qui devait leur faire contourner les flancs bosselés du vieux volcan dans le sens des aiguilles d'une montre, avant d'obliquer le long de la ligne dessinée par l'Oti Fossae, vers le sud. Comme la nuit tombait sur le second jour de leur périple, ils obliquèrent vers l'ouest et la cité du magma afin de faire le plein de carburant et recharger leurs cellules avant de poursuivre leur chemin.

La forge de Koriel Zeth n'avait jamais cessé d'émerveiller Maven. Elle luisait comme une braise dans le lointain, sous des cieux brûlant d'une incandescence orangée, comme si les nuages étaient en feu. En approchant, on pouvait voir les aqueducs emplis de lave qui scintillaient comme des fils d'or et qui acheminaient la roche en fusion depuis le sommet du barrage de l'Aetna, un immense édifice qui constituait l'intégralité du flanc sud du volcan, pour la ramener jusqu'au lac de magma qui entourait la cité proprement dite.

De formidables remparts de céramite et d'adamantium entouraient la gigantesque cité, et les ténèbres reculèrent, chassées par l'éclat du sang ardent de la planète, tandis que les deux Chevaliers marchaient vers la porte de Vulkan, sous le regard des statues qui bordaient la magnifique chaussée des Typhons.

Parvenus devant les tours noires et argent qui surgissaient des remparts comme des crocs métalliques, ils n'avaient reçu la permission d'entrer qu'après avoir subi un interrogatoire binaire fort complexe de la part des systèmes de défense de la ville ; une fois à l'intérieur ils avaient dû rester sur les remparts, juste assez longtemps pour recharger les cellules énergétiques de leurs montures, puis ils étaient repartis.

Ils avaient continué leur patrouille autour du gigantesque volcan en contournant les installations portuaires de la cité du magma où des millions de tonnes de matériel de guerre étaient embarqués dans les panses affamées des transporteurs de fret qui partaient ensuite, empruntant les couloirs aériens surpeuplés. Ils avaient à peine quitté la grandeur enfumée de la cité du magma que Maven avait senti Equitos Bellum se remettre à tirer sur les commandes, avec insistance, tenaillant la partie postérieure de son cerveau d'un désir irrépressible, lardant son esprit de broches de douleur acerbes à chaque fois qu'il tentait de lui résister.

Lorsque leur trajectoire avait obliqué vers l’est, en direction de leur base, la pression était montée d'un cran, et Maven s'était agrippé à ses commandes. Une terrible migraine montait derrière ses globes oculaires. Chacune de ses connexions neurales le démangeait, comme irritée, comme si Equitos Bellum essayait de le désarçonner en ruant comme un poulain rebelle.

— Mais qu'est-ce que tu as, bon sang ? cracha-t-il.

Comme en réponse à sa question, un fantôme lumineux flamboya brièvement sur l'auspex, vers le sud. Maven sursauta, et un souvenir remonta en un éclair à sa mémoire. L'image s'était évanouie aussitôt qu'elle était apparue. Il n'était même pas certain d'avoir vu quelque chose, mais durant une fraction de seconde, il avait eu l'impression de voir le fantôme électromagnétique d'une silhouette épouvantablement familière, une sinistre silhouette arachnoïde.

Maven arrêta sa monture, et la douleur qui lui vrillait le crâne s'apaisa. Les pistons hydrauliques de sa grande machine sifflèrent et elle s'affaissa sur les articulations de ses hanches.

— Cronus, attends ! appela-t-il en faisant habilement pivoter le torse de sa monture d'une pichenette sur ses commandes.

Autour d'eux, il n'y avait rien, rien d'autre qu'une étendue de cendres couleur d'os blanchis, survolée par les nuages de poussière soufflés par le vent depuis le sud du pallidus. Equitos Bellum se tassa un peu plus, et Maven entendit le gémissement du métal qui se détendait. Il sentit également la tension dans les membres de sa monture et le désir inextinguible de vengeance qui brûlait dans son cœur.

— Qu'y a-t-il ? demanda Cronus.

Il vit la machine de son frère d'armes adopter une posture guerrière et lut ses réponses à travers le multiface.

— Qu'est-ce que tu as vu ?

— Je ne sais pas trop, admit Maven. Je ne pense pas qu'il y ait réellement quelque chose dans le coin, mais Equitos Bellum a flairé quelque chose.

— Tu as eu un retour auspex ?

— Un genre, oui, peut-être... je ne sais pas. C'était comme une image fantôme ou un truc de ce genre. Ça ressemblait exactement à la signature énergétique que j'ai aperçue juste avant l'attaque contre le réacteur de Maximal.

Pax Mortis vint se placer à côté de lui, et Maven put apercevoir le visage de Leopold Cronus à travers la verrière du cockpit. Son frère d'armes n'avait pas l'air très convaincu, mais il ne semblait pas disposé à écarter d'emblée l'instinct qui dictait à Maven (et à Equitos Bellum) qu'il pouvait y avoir du danger aux alentours.

—Transmets-moi ça, lui ordonna Cronus. Les enregistrements de l'auspex durant les quelques minutes qui viennent de s'écouler.

Maven acquiesça de la tête, accéda aux données depuis le panneau de contrôle de son auspex et les extrachargea en direction de la machine de Cronus. Pendant que celui-ci examinait ce qu'il lui avait envoyé, il tourna le regard vers le lointain, en direction du pallidus.

C'était un désert cendreux, désolé, inhabitable, un paysage de grandeur torturée rendu stérile et toxique par une surexploitation rapace et le pillage inconsidéré des ressources enfouies sous sa surface. Cette étendue de roches arides était saturée de sédiments empoisonnés, de polluants crachés par la ceinture équatoriale de raffineries et apportés par les vents. C'était une région dangereuse, perfide, où des crevasses et des cuvettes d'effondrement se dissimulaient sous de fines plaques de sable.

Rien ne vivait dans le pallidus, et pourtant Maven se sentait envahi d'un inexplicable désir de prendre les commandes et de s'élancer vers le sud, vers le cœur de ce désert. Ses cellules énergétiques étaient chargées à bloc et sa réserve de rations et d'eau était plus que suffisante pour survivre durant des semaines, si le besoin s'en faisait sentir.

Ses doigts palpitèrent sur ses manettes et il sentit le cœur de sa monture répondre à son désir. Elle l'aiguillonnait en lui adressant des murmures querelleurs et en maintenant une pression insistante sur son esprit. Ses lèvres se retroussèrent sur ses dents, et il émit un grondement féroce à l'idée de pourchasser cette chose morte et monstrueuse qui avait bien failli le tuer.

La créature était là, quelque part. Equitos Bellum le savait, lui aussi. C'était une certitude, il le sentait dans chaque molécule de son être. L'image fantomatique était apparue pour lui rappeler ses devoirs envers sa monture.

— Je ne vois rien du tout, dit soudainement Cronus, l'interrompant dans sa rêverie. L'enregistrement de l'auspex est net.

— Je sais, répondit Maven avec un calme glacial. Il n'y a rien dans les environs.

— Alors pourquoi nous as-tu fait arrêter ?

— Parce qu'Equitos Bellum veut m'indiquer où il faut aller.

— Aller ? répéta Cronus. Qu'est-ce que tu me racontes ? Le seul endroit où nous ayons besoin d'aller se trouve de l'autre côté du pont Médian, et c'est la maison de notre chapitre.

— Non, insista Maven. C'est par là. La chose qui a essayé de nous tuer est là, au sud. Je le sais.

— Comment peux-tu le savoir ? s'exclama Cronus d'une voix tranchante. Il n'y a rien sur l'auspex, tu l'as dit toi-même.

— Je sais bien, Léo, mais j'ai vu ce que j'ai vu. Equitos Bellum le sent, et j'ai confiance en son instinct.

— Et puis quoi ? Tu comptes te lancer à sa poursuite tout seul ?

— S'il le faut, répondit Maven.

— Ne fais pas l'idiot, avertit Cronus. Caturix fera sauter tes éperons si tu fais ça.

— Il peut le faire si ça lui chante, répliqua Maven en poussant son moteur et en relevant son Chevalier qui se dressa de toute sa hauteur. Je dois le faire. Equitos Bellum a besoin que je le fasse si je veux qu'il retrouve un jour son intégrité.

—Tu serais prêt à risquer tes éperons en abandonnant ta mission pour ça ? Pour une simple intuition ?

— C'est plus que ça, Léo, répliqua Maven. Je sais qu'elle est là, et je pars à sa poursuite, que ça te plaise ou non.

Une nouvelle fois, Maven entendit Cronus soupirer. Il détestait l'idée d'abandonner son ami, mais il savait qu'il n'avait pas le choix. Equitos Bellum ne lui laisserait pas un instant de paix tant qu'il n'aurait pas eu sa vengeance.

— Très bien, dit Cronus. Où est cette machine ? Donne-moi une idée de la direction.

— Léo ? Tu viens avec moi ?

— Cette chose, quelle qu'elle soit, est déjà parvenue à avoir raison de toi en une occasion, répondit Cronus.

Logiquement, tu auras besoin de mon aide si tu dois la combattre à nouveau.

—Tu es un véritable ami, déclara Maven, terriblement touché et fier de son frère d'armes.

— Tais-toi et allons-y avant que je ne retrouve tout mon bon sens et que je ne décide de changer d'idée.

Maven sourit.

— Suis-moi, dit-il en faisant pivoter sa monture et en se dirigeant droit vers le pallidus.

La chasse était lancée. Le cœur d'Equitos Bellum se gonfla de fierté blessée.

Maven se réjouit de ce sentiment.

 

Dalia s'éveilla avec un hurlement, les mains crispées sur la poitrine, haletant violemment tandis que les lambeaux d'obscurité qui avaient envahi son crâne menaçaient de se déverser hors de son corps pour la dévorer. Des ombres serpentines se tapissaient dans les ténèbres, et elle resserra étroitement les draps autour d'elle. Elle entendit le sifflement d'un souffle draconique remonté de l'aube de l'univers et vit la lumière se refléter sur des crocs acérés dans une gueule énorme qui s'ouvrait de plus en plus.

Dans la nuit, une voix l'appela.

Même les yeux fermés, elle ne pouvait s'empêcher de le voir, l'homme encapuchonné avec son regard sauvage et la marque du dragon qui brûlait sous sa peau. Son feu argenté dessinait un réseau de lumière imprimé dans sa chair.

Elle s'obligea à ouvrir les yeux. À l'intérieur de son hab, l'éclairage était passé de la veille nocturne à l'illumination complète. À côté d'elle, Caxton s'agitait, mal réveillé, tripotant maladroitement les contrôles lumen.

— Que... qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il d'une voix ensommeillée.

Elle jeta des regards autour d'elle, aux quatre coins de la pièce. Naturellement, il n'y avait aucun prédateur reptilien caché dans les ombres, prêt à la dévorer, et pas plus d'homme coiffé d'un capuchon aux veines emplies d'un mercure scintillant au lieu de sang. Il n'y avait que le placard gris métallisé, débordant de vêtements, la petite table couverte de pièces mécaniques et les parois tachées de traces d'huile sur lesquelles elle avait collé de minces pelures de papier couvertes de diagrammes griffonnés. Dans la cabine d'ablutions, elle entendit le goutte-à-goutte du robinet qui fuyait, et dans son emballage de papier d'aluminium un repas encore intact était posé à côté d'une bouteille d'eau vide.

Elle se concentra sur ces simples objets de la vie domestique, s'accrocha à leur banalité pour s'arracher au royaume des rêves et des cauchemars, des dragons et des hommes encapuchonnés et revenir dans le monde réel.

— Ça va ? lui demanda Caxton en se redressant dans le lit et en la prenant dans ses bras. Au bout de ses doigts, ses implants haptiques étaient glacés contre sa peau nue, et elle frissonna. Il crut qu'elle avait peur et la serra contre lui.

— Je suis là, Dalia. Tout va bien. Tu as juste fait un cauchemar.

Depuis qu'elle était sortie du coma, elle avait découvert qu'elle ne supportait plus de dormir seule. Elle ne trouvait pas le sommeil. La terreur de sombrer dans les ténèbres pour l'éternité s'ouvrait comme un gouffre béant dans son âme. Si elle y tombait, elle craignait de ne jamais pouvoir en ressortir.

Elle s'était confiée à Caxton et il lui avait proposé de venir habiter avec elle. Elle avait bien perçu son désir dans cette offre, mais elle avait également pris conscience de son propre désir, et il était venu s'installer chez elle. Cela leur avait paru être la chose la plus naturelle du monde.

Ils restèrent assis ainsi durant plusieurs minutes. Caxton la berçait doucement et elle se laissait faire.

— C'était le même que d'habitude ? demanda-t-il.

Elle acquiesça.

— Le dragon et l'homme au capuchon.

— Chaque nuit, le même rêve, dit-il avec étonnement. A ton avis, qu'est-ce que ça signifie ?

Dalia se dégagea de son étreinte et se retourna pour le regarder en face.

— Ça veut dire qu'il faut partir.

— Je vais réveiller les autres, répondit-il en voyant la détermination de son regard.

Elle se pencha et l'embrassa.

— Fais vite, dit-elle.

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